Page:Gérard - L’Ancienne Alsace à table, 1877.djvu/120

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Les paysans étaient plus attentifs à ces sortes d’affaires. Grâce aux règlements des cours colongères, nous possédons quelques curieux détails sur la cuisine des anciens temps. Ces vieux titres sont remplis de prescriptions au sujet des repas qui avaient lieu lors de la tenue des justices colongères. Ici, les tenanciers des terres sont astreints à fournir la table aux juges de la colonge ; là les juges doivent donner un repas ou fournir des comestibles aux tenanciers ; ailleurs, c’est le bénéficiaire de la colonge qui reçoit, lors des solennités judiciaires, soit un porc, soit des viandes, soit du vin, soit des pains, et quelquefois le tout ensemble. En voici quelques exemples seulement. Quand le prévôt du couvent d’Oelenberg allait, au quatorzième siècle, toucher ses redevances à Saint-Luckert (village détruit depuis longtemps), on lui devait, le soir de son arrivée, du pain blanc, du vin nouveau, un plat de poules, du fromage et des fruits. Pendant son séjour, il avait droit à un repas le matin et à un autre vers la nuit, chacun composé de trois mets, savoir : de la chair de veau, un morceau de bœuf, et des poules rôties ou bouillies, sans oublier le vin ni les épices nécessaires à une bonne digestion[1].

À la même époque, l’abbesse d’Erstein avait le privilège de se faire traiter, elle et une suite considérable, tous les quatre ans, à la cour de Volgelsheim. On était tenu de lui fournir, suivant l’expression pittoresque et compréhensive du titre allemand : wildes, zames, fliegendes, fliessendes, virne und neuwe, c’est-à-dire du gibier, des viandes d’animaux domestiques, de la volaille, du poisson, et si je ne me trompe, du vin vieux et du vin de l’année, autrement dit, tout, à l’exception cependant du poivre ; une demi-livre de cet ingrédient devait être fournie par le chapelain de l’abbesse « afin que les mets, dit le texte, pussent être convenablement apprêtés[2] ». — Le prévôt de Saint-Morand d’Altkirch

  1. Rôle de la colonge de Saint-Luckert. Coll. mss. — Voyez aussi Heitz, Die Dinghœfe. Alsatia, 1854-1855, passim.
  2. Rôle de la colonge de Volgelsheim. Coll. mss.