Page:Gérard - L’Ancienne Alsace à table, 1877.djvu/132

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inviter par le valet de ville à se rendre, par compagnies, dans sa maison, où ils trouveraient une table abondamment garnie de viandes, de biscuits, de macarons et de vin. Le factum judiciaire où j’ai puisé ce fait ne m’a pas appris si M. Schérer eut à se féliciter de son invention. Mais il serait bien miraculeux que la justice eût à voir clair dans des consciences si bien préparées.

J’aime ces vieux papiers dédaignés, et, entre tous, les vieux comptes. Ils sont le miroir fidèle, la révélation naïve de la vie familière, des habitudes domestiques, des besoins de chaque jour, chez les princes comme chez les bourgeois. Leur prose modeste, leurs humbles chiffres, vous laissent pénétrer jusqu’au fond de l’existence privée d’un individu, d’une famille, d’une génération, d’un peuple. Grâce à ces documents, l’on pourrait faire l’histoire presque complète du régime économique de la petite cour des comtes de Ribeaupierre depuis le seizième siècle. À cette époque, le faste, le gaspillage, le désordre paraissent avoir atteint un degré inquiétant dans cette maison. Un serviteur fidèle, le maître d’hôtel Érasme de Venningen entreprit, au commencement du dix-septième siècle, d’y opérer une réforme salutaire. Il dressa un règlement pour la tenue de la cuisine, l’achat des denrées, l’ordre des approvisionnements, la discipline des domestiques. Selon lui, la cuisine se divise en cinq fonds : celui du sel ; celui des saindoux, beurres et graisses ; celui de la viande de bœuf ou vache ; celui des viandes à rôtir, veaux, agneaux, moutons, porc frais, et enfin le cinquième comprend les farines, les légumes verts et secs, le lard fumé, les fruits séchés au four, les poissons salés et tous les genres de volailles de basse-cour. Le gibier, le poisson frais, les épices et la pâtisserie ne sont pas classés. Les épizooties ayant dépeuplé les étables du seigneur, il doit être pourvu par achat au service de la grosse viande ; les viandes à rôtir seront prises sur les veaux de cens et dans les bergeries de Guémar et de Heiteren ; les bailliages fourniront les légumes secs, suivant la coutume, ainsi que le poisson ; mais les poissons d’Illhæusern seront payés aux pêcheurs de l’endroit, d’après un tarif que le maître d’hôtel