Page:Gérard - L’Ancienne Alsace à table, 1877.djvu/175

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était rassemblée sur la place du palais ; on leur jetait par les fenêtres des poissons, des lièvres rôtis, des agneaux, etc. Dans ce même temps un bœuf entier rôtissait à la broche sur la place publique. Il était farci d’un porc gras, d’oies, de poules, d’oiseaux. Quand il parut cuit à point, l’on en coupa un morceau pour l’empereur, puis il fut livré au peuple, hommes et femmes, selon l’ancienne coutume, nach altem herkommen[1]. La même chose eut lieu en 1562, à Francfort, au couronnement de Maximilien II. On avait dressé une cuisine immense, devant le Römer. Dans cette cuisine improvisée rôtissait un bœuf gigantesque, paré de sa tête et les sabots aux pieds. La cuisine, même celle destinée au peuple, avait fait des progrès. La monstrueuse bête était farcie de toutes sortes d’accessoires utiles : porc gras, mouton, chevreuil, cochons de lait, canards, perdrix, paons, grives, oies, poules, coqs, saucisses. On commença à le rôtir le dimanche matin et il ne se trouva cuit que le lundi à trois heures de l’après-midi, où il fut livré au peuple. La curée fut faite avec tant de frénésie qu’il s’éleva comme une sédition dans laquelle la cuisine fut démolie et emportée, malgré le respect dû à la présence de l’empereur. La boisson n’avait pas été oubliée. La grande fontaine, surmontée du double aigle de l’empire, versait par l’une des têtes du vin blanc et par l’autre du vin rouge[2].

Cette scène de gastronomie populaire, fidèlement reproduite, fut transportée à Strasbourg, en 1744, lors du séjour qu’y fit Louis XV. « Dès que le roi fut arrivé au palais de l’évêque, un détachement de bouchers se rendit le sabre au poing au Windhof, près de l’esplanade, pour y chercher un énorme bœuf que l’on rôtissait depuis trente-six heures, en l’arrosant de 100 livres de graisse. Il pesait 800 livres. Il était orné de rubans et de fleurs et il était couché dans une écuelle de bois artistement fabriquée, longue de 14 pieds, large de 8, doublée de fer-blanc

  1. Herzog, Edelsäss. Chronick, deuxième partie, p. 143.
  2. Ibidem, p. 196.