Page:Gérard - L’Ancienne Alsace à table, 1877.djvu/185

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remarquait « que les femmes et les filles partagent avec les hommes, les jours de dimanche ou de fête, leurs plaisirs au cabaret, sans qu’on trouve dans le pays cet usage ridicule[1] ». Sans approuver cet usage, on peut dire qu’il n’est pas encore regardé comme ridicule aujourd’hui. Il existe par cela seul qu’il est très-ancien, et il durera jusqu’à ce que les progrès de la véritable éducation publique l’aient relégué dans le domaine des souvenirs. Il aurait fait beau de voir M. Peuchet tomber dans le Sundgau un Hirztag !

Il faut ne s’étonner de rien quand on étudie les mœurs du passé. Buheler raconte, par exemple, que le doyen du chapitre de Strasbourg, Jean-Christophe de Simmern, organisa, dans le carnaval de 1556, une troupe de masques qui s’était revêtue de travestissements historiques ou de caractère ; que ce dignitaire se mit à la tête du cortège et le conduisit pompeusement à Eschau pour en donner le spectacle et le plaisir aux chanoines ses amis qui s’y trouvaient probablement. Qu’est-ce à dire ? Faut-il s’en indigner à froid aujourd’hui ? Nullement. Christophe de Simmern eût sans doute mieux fait de lire son bréviaire, mais il ne choquait pas les idées de son époque. Buheler, qui était de la partie, ajoute que la joyeuse compagnie trouva en arrivant dans la maison du doyen un souper riche, parfait, princier[2]. Je ne regrette dans l’anecdote que l’omission du menu. L’historiographe s’est laissé absorber par le convive.

Ribeauvillé célébrait autrefois une fête singulière et renommée. Le comte de Ribeaupierre portait le titre de Roi des musiciens d’Alsace ; c’était un fief héréditaire dans sa famille. Tous les musiciens d’Alsace, réunis en confrérie, sous le patronage de la Vierge, relevaient de cette royauté dont le domaine s’étendait depuis le Hauenstein jusqu’au Heiligenforst (forêt de Haguenau). De Villé, qui avait été son berceau, elle fut d’abord transférée à Schlestadt,

  1. Peuchet, Description du Bas-Rhin. Paris, 1811. In-4°, p. 26.
  2. S. Buheler, Chronick. Mss. In-fol., t. II, p. 458.