Page:Gérard - L’Ancienne Alsace à table, 1877.djvu/193

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Mais de toutes les festivités de ce genre, celle de l’oie de la Saint-Martin (Martinsgans) paraît avoir été la plus importante et la plus universellement pratiquée. On la connaissait dans toute l’ancienne France aussi bien qu’en Allemagne. M. Mary-Lafon en parle dans son livre récent des Mœurs et coutumes de la vieille France. M. Fr. Barrière, en analysant ce livre, se pose cette question : « Qu’appelle-t-on les oies de la Saint-Martin ? Les oies qui ont eu chez les Romains un beau rôle au Capitole, n’en ont jamais joué chez nous que sur nos tables. Elles y avaient une célébrité que renouvelait chaque année le 11 novembre. Dans nos provinces comme à Paris, elles étaient non l’ornement, mais les victimes d’un grand jour. Quelles antipathies ou quels rapports pouvaient exister entre ces volailles criardes et saint Martin ? Je sais bien que Grégoire de Tours prête à ce révéré personnage des miracles bachiques dont par cette raison je ne dirai rien. Quelle apparence que les banquets aient trait aux miracles ? Il est bien plus probable qu’au 11 novembre on trouve des oies nouvelles riches d’un suffisant embonpoint ; puis, bien avant qu’on n’eût mis leurs foies en pâtés, elles jouissaient, au quinzième siècle, d’une très-flatteuse concurrence ; un faisan, un porc, une oie s’y payaient le même prix, 14 sous parisis, comme il se voit par le tarif réglé par le Conseil de Charles VI, en 1480[1]. » Notre regrettable antiquaire, Louis Schnéegans, a aussi approfondi l’oie de la Saint-Martin[2]. Son institution se perd dans la nuit des temps, et elle s’est maintenue jusque dans le nôtre ; bien des familles strasbourgeoises de la vieille roche la révèrent encore. Elle se célébrait durant deux jours, jour et nuit. L’oie grasse était le mets pivotal de la fête ; les autres plats n’étaient considérés que comme des accessoires, comme les satellites du plat central. Le vin nouveau faisait le fond de la matière désaltérante ; des pâtisseries ad hoc, les Martinibrestellen, par exemple,

  1. Journal des Débats du 7 septembre 1859.
  2. Alsatia, année 1851, p. 65.