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Page:Gérard - L’Ancienne Alsace à table, 1877.djvu/198

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convivialité des Alsaciens et des Allemands. Mais je crois en avoir allégué assez. Cependant, comment quitter ce sujet sans remarquer la plaisante idée qu’eut un général autrichien de se consoler d’avoir été battu en voyant souper son vainqueur ? Le comte de Marsigli, qui défendait la place de Vieux-Brisach en 1703, venait d’être forcé de la rendre au duc de Bourgogne. Cet échec, qui lui coûta la tête peu de temps après, ne lui inspira qu’une seule démarche. « Il demanda à M. le Comte de Marsin de lui obtenir la grâce de voir souper M. le duc de Bourgogne. Marsin le mena chez le prince, qui lui dit qu’il le verroit bien mieux à table, s’il s’y vouloit mettre avec lui. Quoiqu’il eût déjà mangé, il accepta. Le lendemain, le duc lui demanda s’il vouloit lui faire le plaisir de diner encore avec lui. Pressé de rentrer, il s’excusa ; mais on lui fit servir à diner avant de partir[1]. » L’on ne pouvait mieux choisir son temps pour souper deux fois.

Un gentilhomme français qui avait fait les guerres d’Alsace, sous le règne du cardinal de Richelieu, et qui était en convalescence à Colmar, en 1637, y mangeait plus légitimement que Marsigli ne l’avait fait chez le petit-fils de Louis XIV. L’on en jugera par la lettre toute rabelaisienne qu’il écrivit à M. du Fresne, secrétaire du marquis de Feuquières :


« À Colmar, le 17 octobre 1637.

{{T|» Mon cher monsieur, un faisan, deux canards, deux bécasses et deux perdrix que le hibou rapporta de la chasse hier au soir, sont les onguents dont nous faisons présentement des emplastres pour mettre sur nos estomacs demain matin, le chagrin, la mélancholie et l’horrible misère que nous souffrons, les ayant desbiffés de sorte que, sans le secours de ce médicament, ils ne seraient plus capables d’aucune de leurs fonctions. En effet, cette composition est tellement admirable, lorsqu’on en use deux

  1. De Vizé, Journal du siège de Brisach. Paris, 1705, p. 239.