Page:Gérard - L’Ancienne Alsace à table, 1877.djvu/236

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noir ou cerise royale ; quatre-vingt-trois variétés de poires, au nombre desquelles je remarque la cuisse-madame, la cassolette, la poire d’œuf ou Colmar d’été, le beurré-romain (römische beste Birne), les Bézy, les Bergamottes, la Lanzac, inaugurée par Louis XIV enfant ; l’épine d’été, la favorite de Louis XIV vieilli ; le chat-brûlé, la belle et bonne, qui n’est pas encore connue, dit le catalogue ; le muscat allemand, la Colmar d’hiver ; trente-trois espèces de pommes[1]. Je suis surpris de ne pas rencontrer dans le catalogue de 1788 une poire foncièrement alsacienne ; c’est la poire de Bollwiller (Pyrus Bollvilleria), espèce indigène aux coteaux des Vosges d’Alsace et qui a été perfectionnée dans la pépinière de Bollwiller, comme l’indique son nom. En 1807, l’établissement de Bollwiller avait presque doublé le nombre des espèces de ses arbres à fruits, et son commerce s’étendait jusqu’en Russie[2]. Ce domaine est aujourd’hui administré par la quatrième génération des Baumann, et les produits en sont expédiés dans toute l’Europe et au delà des mers.

L’esprit de charité fit sur un autre point de la province ce que la science botanique avait fait à Bollwiller. Quand le vénérable Oberlin arriva, en 1767, dans le Ban-de-la-Roche, il n’y trouva d’autres fruits que des pommes sauvages, et la vulgaire espèce de prune connue sous le nom de quetsche (Prunus germanica). Il choisit les deux meilleurs champs de son pauvre domaine presbytéral et les planta de pommiers, de poiriers, de cerisiers, de pruniers et de noyers. Quand cette petite pépinière fut en état de donner des fruits, il les distribua à ses paroissiens. Le goût s’en répandit promptement parmi eux, et il leur enseigna l’art de greffer[3]. Le Ban-de-la-Roche a aujourd’hui des fruits excellents et en grande quantité.

L’Alsace doit à l’intendant de Lucé les belles et riches allées de

  1. F.-J. Baumann, Catalogue des arbres fruitiers qui peuvent se cultiver dans notre climat. Colmar, 1788. In-8° de IV-152 pages.
  2. Annuaire du Haut-Rhin pour l’an XIII, p. 266.
  3. P. Oberlin, Le Ban-de-la-Roche, p. 67.