Page:Gérard - L’Ancienne Alsace à table, 1877.djvu/239

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ligne, ainsi que le sirop de violettes noires de mars. Ils aimaient surtout le confortatif de cerises. Un vieux docteur dit qu’il est bon à employer toute l’année. En voici la recette. L’on faisait macérer pendant quinze jours des cerises acides dans une dissolution de sucre et de miel. Ainsi préparées, on plaçait les cerises dans un bocal et on les couvrait d’un bain où entraient l’hysope, la réglisse, l’eau de rose et l’essence de violette ; l’on y ajoutait cannelle, girofle et fleurs de muscade ; après quinze jours d’imprégnation, on les immergeait, dans du vin vieux, le meilleur possible[1]. Ce confortatif passait pour un tonique de première classe. Que l’on était loin déjà de la rude simplicité des Romains qui confisaient leurs fruits dans le vinaigre et le sel, et qui réservaient pour les malades les pommes confites au miel !

Les modernes s’imaginent volontiers que les gens du temps passé jouissaient d’un appétit naturel infatigable et qu’ils ne connaissaient point les alanguissements et les inerties qui affligent de nos jours tant d’estomacs riches ou blasés. C’est une erreur. De tout temps, il y a eu des hommes qui par l’abus des jouissances et les excès ont énervé leurs organes et surtout leur estomac, et auxquels il a fallu offrir le secours d’un appétit factice ou d’emprunt, ou tout au moins des moyens capables de réveiller leur appétence engourdie ou émoussée. L’Alsace, comme les autres pays, a connu ces invalides de la gastronomie, et leur est venue en aide avec les inventions de ses médecins et les imaginations de ses gourmets-vétérans. L’on recommandait chez nous aux estomacs paresseux, rebelles ou usés, comme particulièrement douées d’une puissance appétitive, les substances ou compositions suivantes : le raisinet[2] ; le thym en poudre mêlé de sel[3] ; la cicutaire (Wildenkörbel) préparée d’une façon spéciale[4] ; la feuille d’angélique cuite dans l’eau ou du vin : bringt begir und lust zu der Speis (donne du désir

  1. Bock, loc. cit., p. 382.
  2. Idem, p. 207.
  3. Fuchs, Neu Kreuterbuch, ch. 321.
  4. Idem, c. 199.