Page:Gérard - L’Ancienne Alsace à table, 1877.djvu/266

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Dans la ville de Colmar, on paraît s’être un peu plus pressé qu’ailleurs pour opposer une barrière aux abus de la bonne chère. Le schultheiss Sigfrid, un puritain, trouva que c’était un luxe déplacé que de célébrer les anniversaires trentenaires des mariages et de tenir des festins à leur occasion. Il y avait bien de la rigueur à condamner une cérémonie aussi excusable et que les plus favorisés ne pouvaient guère faire qu’une seule fois en leur vie ; mais le schultheiss Sigfrid, pour qui l’hymen ne semble avoir allumé que des flambeaux incommodes, proscrivit énergiquement toute commémoration en l’honneur des noces. L’on ne connaît pas le texte de son ordonnance qui est de l’année 1280 ; le moine de Colmar se contente d’énoncer le fait et certainement pour le faire remarquer[1].

Il est tout à fait digne d’attention qu’aucune loi restrictive du luxe et des débordements de la table n’a atteint les populations des vastes domaines soumis à la puissance seigneuriale des évêques de Strasbourg. Il semble pourtant que les sermons et les mandements n’étaient pas parvenus à faire la besogne qu’un bon statut, appuyé de la force du bras séculier, eût infailliblement faite. Le train et l’ampleur pantagruélique des noces dans le Kochersberg ont été, de tout temps, fameux ; ces vastes féries villageoises se sont prolongées jusque dans notre siècle avec la fidélité la plus persistante, et avec toutes les grasses opulences, toutes les pesantes matérialités qui étaient le triomphe et la joie des noces d’autrefois. M. Piton en a fait un tableau trop vrai et trop expressif pour que je n’hésite point à le lui emprunter. « Quelle folle gaîté rustique ne règne pas à une noce du Kochersberg ? Elle prend huit jours entiers, où bœufs, veaux, volailles, et nombre de fûts

  1. Annales et Chronique des Dominicains de Colmar, p. 93.