Page:Gérard - L’Ancienne Alsace à table, 1877.djvu/270

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pas seulement sur les occasions qui, par leur importance et leur publicité, pourraient entraîner des abus et causer du scandale ; elle pénètre aussi dans l’intimité de la vie et surveille le citoyen dans sa maison. L’ordonnance considérant « que la surabondance et la somptuosité dans la bonne chère offensent et irritent Dieu, puisqu’elles dissipent inutilement ses bienfaits ; que les abus de la table renchérissent le prix des denrées, occasionnent des chertés, et détruisent toutes bonnes et fidèles sociétés », dispose que tout citoyen, quel que soit son rang, doit s’abstenir, dans le repas qu’il donne chez lui, de toute superfluité, et ne faire paraître sur sa table que cinq ou six plats tout au plus[1].

Deux villes protestantes, Mulhouse et Wissembourg, viennent de nous montrer leur sollicitude pour l’amélioration des mœurs ; elles jugeaient qu’il était possible de porter la répression légale dans le cercle des usages domestiques. J’aimerais de mettre en regard de ces tentatives inspirées par l’esprit de la Réforme des tentatives semblables ou analogues faites par le pouvoir municipal dans les cités catholiques, et en les comparant, de voir par quels points elles se ressemblaient ou étaient différentes, et de quel côté se trouvait le plus de sagesse et de zèle. Cette étude comparative est impossible. Aucune de nos villes libres impériales catholiques n’a édicté de règlement somptuaire, ni Haguenau, la capitale de la décapole, ni Schlestadt, ni Obernai, ni Rosheim, etc. Il y régnait peut-être quelques coutumes traditionnelles ou des dispositions de police éparses ; encore ne voudrais-je pas l’affirmer ; mais aucune de ces communes privilégiées, qui avaient le droit de se gouverner et de se créer des lois, n’a porté son attention vers la correction extérieure des mœurs.

L’on s’attend bien que la ville de Strasbourg, la mère de la Réforme en Alsace, n’est point restée indifférente à ce grand objet, et qu’elle a, de bonne heure, mis sa main vigoureuse à la discipline des mœurs publiques et privées. Dès le premier temps

  1. Ernewerte Polizey-Ordnung der Statt Weissenburg. Strasb., 1614, p. 30.