Page:Gérard - L’Ancienne Alsace à table, 1877.djvu/307

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de bienséance que je viens de citer en était déjà très-sagement révolté, il y a cent ans. Écoutez-le : « Il est aussi de l’incivilité de se rincer la bouche après le repas devant des personnes que nous devons respecter. Il n’y a que des gens grossiers et très-impolis qui puissent s’oublier jusqu’à rincer la bouche à table et à rejeter ensuite l’eau. Ce serait une impertinence de faire quelque chose de semblable devant des personnes à qui on doit du respect, et il est même malhonnête d’en user ainsi entre égaux[1]. » Voilà ce que le bon sens a toujours enseigné, et il ne suffit pas que les Anglais en soient fatigués pour que les Français se livrent à une opération aussi naturellement incivile que dégoûtante. Les Anglais font à table bien d’autres choses qu’ils n’ont pas encore eu le crédit de nous faire accepter comme propres et bienséantes.

Au nombre des coutumes louables, et qui ne peuvent donner que de la gaîté et de l’agrément aux repas, il faut placer celle dont les Anglais ne se sont jamais avisés, de faire de la musique dans les salles de festin. Tous nos grands banquets alsaciens en avaient invariablement. Le Magistrat de Strasbourg avait son corps de musique à lui (Stadtpfeifer) ; il ne mangeait jamais officiellement sans se faire en même temps régaler de quelques symphonies, et s’il se rendait à quelque festin où il était convié, sa musique l’accompagnait. Un des plus curieux emplois que j’ai vu faire de la musique est celui que nos chroniques signalent au banquet d’intronisation de l’évêque Guillaume de Hohnstein, en 1507. Chaque service était apporté en cérémonie et huit trompettes l’accompagnaient depuis la cuisine jusqu’aux tables, au bruit de leurs plus éclatantes fanfares[2].

Les offices dépendant, à ces titres divers, du service de la bouche étaient nombreux dans les maisons de distinction. En 1345, la cuisine de l’évêque de Bâle était gouvernée par trois fonctionnaires,

  1. Prévost, loc. cit., p. 95.
  2. Eintritt des Bischofs. Code historique de Strasbourg, t. II, p. 29.