Page:Gérard - L’Ancienne Alsace à table, 1877.djvu/313

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traduction de son nom. Le Cuisinier bourgeois de Buisson fut composé en français, mais traduit et imprimé en langue allemande.

En 1811, paraît l’Oberrheinisches Kochbuch, à Mulhouse. Cet ouvrage a été composé par Mme Spörlein, femme d’un pasteur protestant ; il a été écrit sous sa dictée par un candidat en théologie, M. Müntz. Luther et Calvin ne pouvaient rester muets sur une matière qui avait été traitée par le clerc papiste de Lucelle. Voilà comme le monde s’enrichit. Ce livre a eu un succès populaire qui dure encore ; il en est aujourd’hui à sa huitième édition allemande et il en a plusieurs françaises. C’est le catéchisme de la cuisine protestante d’Alsace. Si quelques articles de foi paraissent un peu surannés ou voisins des vieilles superstitions, le fonds général de la doctrine est néanmoins très-sain.

À Strasbourg, l’imprimeur Heitz a publié, en 1826, un supplément au bréviaire de Mme Spörlein sous le titre de Nützlicher Hausschatz. Enfin, en 1862, Mulhouse a donné un nouveau manuel culinaire intitulé Die Feinere Kochkunst, par Louis Brauer.

Les écrivains-cuisiniers sont aussi nécessaires, plus nécessaires que les autres littérateurs ; ils nous font connaître la théorie du plus ancien des arts, car, comme l’a remarqué Brillat-Savarin, Adam naquit à jeun. La cuisine forme une branche du savoir humain ; elle a toujours eu une place dans l’encyclopédie universelle, sous le titre de res cibaria, res culinaria. Elle a eu ses docteurs, ses interprètes, ses savants dès les temps les plus reculés. Platon et Athénée nous ont conservé le nom de ceux qui, chez les Grecs, avaient écrit sur ce sujet ; la Gastronomie d’Archestrate était un chef-d’œuvre. Varron, Apicius, et beaucoup d’autres ont traité de l’art des confections culinaires dans la langue des dominateurs du monde. Des savants de la Renaissance, tels que Charles Estienne, ont fait des livres sur la science de nourrir le genre humain. Descartes ne voyait dans l’amour qu’un adjuvant à une bonne digestion. « Je remarque, dit-il[1], en l’amour, qu’on sent une douce

  1. Descartes, Des Passions de l’âme, article 97, édition de 1844, p. 259.