Page:Gérard - L’Ancienne Alsace à table, 1877.djvu/344

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l’indique le soupir final de sa plainte , sed charta sicca ! Le champagne a pénétré d’assez bonne heure dans notre pays. Il figure fréquemment dans la comptabilité de la république de Strasbourg, sous les noms de Chambanier, de Chempagny, Champagne, Champagnerwein. Dans le repas que la ville donna en 1691, aux généraux de Louis XIV, j’en remarque 42 bouteilles qui coûtèrent 20 francs[1]. Quand Stanislas, chassé de Pologne, végétait si tristement à Wissembourg, le champagne l’eût peut-être plus efficacement consolé que le vin du Rhin que M. de Weber lui faisait boire[2]. Consoler à fond un roi déchu avec du Domdechant ou du Steinberger-Cabinet, cela a pu être onéreux.

Les Allemands, et les Alsaciens avec eux, avaient anciennement une terrible réputation de buveurs. À leur appétit strident correspondait une soif adurante ; estomac chaud et gorge toujours sèche, voilà le fond du véritable Allemand des vieux temps. Aujourd’hui c’est bien différent, à ce que l’on prétend. Tacite avait déjà constaté chez les Germains une puissance d’impotation remarquable. « Ce n’est pas une honte parmi eux de passer à boire les journées et les nuits entières. C’est là que se font les réconciliations et les alliances ; c’est là qu’ils traitent de l’élection des princes et de toutes les affaires relatives à la paix et à la guerre. Ils ne trouvent aucun temps plus propre que celui des repas, parce qu’on n’y déguise point ses vraies pensées, ou parce que la chaleur du vin porte l’esprit aux entreprises les plus hardies[3]. »

Les Franks et tous les Barbares aimaient passionnément le vin. Quand Frédégonde veut avec certitude attirer ses ennemis dans ses pièges de mort, elle les invite à un festin et les fait assassiner pendant l’orgie[4]. Les canons des conciles et les capitulaires sont

  1. Archives de Strasbourg. Comptes de dépenses.
  2. Lajolais, Description de Strasbourg, p. 36.
  3. Tacite, De morib. german., ch. xxii.
  4. Grégoire de Tours, Hist. eccles. francor., lib. IX, cap. xxvii.