Page:Gérard - L’Ancienne Alsace à table, 1877.djvu/352

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Le matin, ils sont incapables d’étude, se lèvent à dix heures, en perdent une à s’habiller, une autre à se promener, puis vient l’heure du dîner. À table chacun vante ses prouesses ; puis on se met à boire à l’envi, et celui qui se signale le plus est proclamé maître ou docteur. Après le dîner, ils vont faire les merveilleux, se postent, pendant plusieurs heures, devant la porte de leurs Lisettes, ou bien ils s’occupent au jeu de paume, à l’escrime, à la danse ou aux sauts d’adresse. Sur cent il n’en est pas un qui se rende aux cours. C’est ainsi qu’ils consument la journée et atteignent l’heure du souper. Alors recommencent les vanteries sur leurs travaux de la journée ; un tel a gagné tant au jeu de paume, tel autre a fait tant de coups notables ; celui-ci a balafré d’importance à la salle d’armes un nouveau venu mal léché ; celui-là a dansé à perte d’haleine avec son Ursule ; ah ! que ses mains sont douces, et ses yeux noirs, et comme elle tourne rapidement ! Voilà comment ils passent leurs journées et leurs repas. Après quoi ils recommencent à battre le pavé et à courir les aventures[1]. »

L’autorité essaya souvent de refréner les excès qui se commettaient, et d’endiguer de vive force l’intempérance naturelle aux peuples d’origine germanique. Mais ses efforts échouèrent presque partout et toujours. Les mœurs étaient plus fortes que les lois ; les conseils se brisaient impuissants devant des habitudes invétérées ; les menaces pénales venaient expirer devant l’opiniâtreté de la soif nationale. Les règlements et les décrets pouvaient bien adoucir les scandales publics, mais ils ne pouvaient détruire le penchant congénital, redresser la pente native de ces populations vers les voluptés épaisses de la boisson. L’éducation, la marche du temps, le progrès des habitudes sociales, la propagation des idées délicates, le besoin de décence et de politesse, et surtout les bons exemples, devaient seuls amener une amélioration des mœurs.

  1. Geiler, Weltspiegel. Bâle, 1574. In-fol., p. 116.