Page:Gérard - L’Ancienne Alsace à table, 1877.djvu/360

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pouvaient faire partie, sauf quelques exceptions. Si l’on y regardait de près, l’on reconnaîtrait que les poêles de nos guildes de métier prenaient leur origine dans le besoin de réunions régulières et confraternelles où l’esprit se détend en même temps que le corps se repose et prend quelque réfection. Les gentilshommes, fatigués du silence de leurs maisons et de la monotonie de leurs châteaux, faisaient comme les simples artisans : ils s’assemblaient dans leurs curies ; à Strasbourg, par exemple, dans celles de la Meule, du Bateau et de la Haute-Montée ; à Colmar, très-anciennement, dans celle de la Couronne.

J’ai parlé[1] de la Stubengesellschaft de Schlestadt et du lustre dont elle a brillé. Il en existait une semblable à Haguenau, mais sur laquelle je n’ai pas de renseignements. Je clorai mon travail par l’histoire de deux établissements plus célèbres que bien connus, très-singuliers et qui, à ma connaissance, n’ont pas d’analogues soit en Allemagne, soit en France. J’ai deux guides entièrement sûrs pour mon exploration : le syndic Chauffour nous conduira au Wagkeller de Colmar, et l’abbé Grandidier nous fera les honneurs de la Confrérie des buveurs du Hoh-Barr.

Dès le quatorzième siècle, il se forma à Colmar une société de bons vivants, qui voulut joindre à l’agrément d’une réunion polie, la liberté qu’on ne goûte que dans un cénacle intime, le plaisir de la bonne chère et la tranquille dévotion aux meilleurs crus de nos coteaux. Son historiographe la qualifie de « très-noble et très-honorable[2] ». Elle n’admettait dans son sein que le haut patriciat, les savants, les professions libérales, les magistrats hors de charge et ceux en exercice. Les ecclésiastiques en étaient rigoureusement exclus.

Ces graves personnages ne trouvant pas qu’une honnête récréation fut

  1. Revue d’Alsace, année 1860, p. 491.
  2. Chauffour, le syndic, Notice sur le Wagkeller de Colmar, manuscrit appartenant à M. Félix Chauffour, ancien notaire, qui a bien voulu me le communiquer.