Page:Gérard - L’Ancienne Alsace à table, 1877.djvu/368

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Alsaciens, nobles, bons latinistes, grands hellénistes de bouteille ; la chose est claire : ils étaient chanoines. L’abbé de Neubourg, Adolphe Brunn, un plébéien, qui se fit recevoir le même jour qu’eux, se contenta de boire le contingent obligé, ce qui le priva des honneurs de la poésie et le réduisit à la modestie de cette prose : Anno 1632, die 29 septembris, cornu exhausit qui supra nomen suum apposuit, frater Adolphus abbas novi Castri.

Maintenant, voilà la terrible guerre de Trente ans déchaînée sur le pays ; l’Alsace est foulée, mis au pillage, ravagée d’un bout à l’autre par les armées impériales, les bandes suédoises, les corps français ; les bestiaux sont enlevés, les greniers volés, les caves vidées ; les villages brûlent ; on tue les hommes ; les femmes et les petits enfants se sauvent dans les bois où ils meurent de faim et de froid ; la misère, la famine, la peste, dévorent la pauvre contrée ; l’épouvante et le deuil sont partout. Que fait la confrérie de la Corne pendant que l’ouragan sévit ? La dernière chose que l’homme oublie, c’est son amusement ; les derniers lambeaux qu’il relâche aux mains de la mort, ce sont les plaisirs inutiles et frivoles. Au milieu de ces horreurs, le siècle était gai. Le collège bachique du Hoh-Barr ne mourut point des calamités qui tuèrent quasi une province. Seulement « ses assemblées souffrirent quelque interruption », dit son historiographe. Bientôt la joyeuse France arrive pour ranimer cette institution languissante. Le 31 janvier 1634, le comte Hermann-Adolphe de Salm, chanoine de la cathédrale de Strasbourg et administrateur de l’évêché, remit le château de Hoh-Barr aux troupes de Louis XIII, « et l’on a bu dans la grande corne le Vidercome ». Il n’y avait plus ni vainqueurs, ni vaincus. Madame la Corne avait fait ce miracle de paix, et le Widercome, le Revenez-y, avait scellé cette paix entre les soldats épiscopaux qui défendaient la ligue catholique, et les soldats de Richelieu qui soutenaient l’union protestante.

Le premier gouverneur français du Hoh-Barr fut Isaac de Saint-Simon, grand-oncle de l’incomparable peintre des