Page:Gérard - L’Ancienne Alsace à table, 1877.djvu/371

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temps. » Le français de ces nobles dames est un peu raboteux ; elles abandonnent la grammaire à leurs femmes de chambre. « Moi Lacroix, damoiselle de Madame de Saint-Simon, ai bu dans la corne. » — « Moi Chautours, damoiselle de Madame la gouvernante, je bus dans la corne à Aubarre. » Ces dames étaient accompagnées de l’intendant de leur maison qui est un peu plus causeur : « Moi Noël Nivelle de Paris suis venu à Hobart avec Madame la gouvernante, et voyant les belles et superbes cérémonies que l’on observe en ce dit lieu entre les confrères et sœurs qui y ont été et qui sont de la confrairie de madame la Corne, la dévotion est mise dans mon cœur pour en être du nombre et ai mis peine de pouvoir boire dans la dite corne à la santé du roy et pour témoignage j’ai signé la présente. »

Le duc de Grammont y était ce même jour, 23 octobre. « Étant arrivé par hazard à Aubart, j’ai bu dedans la corne à la santé de Gustave Horn. » Signé Louis-Antoine, duc de Grammont.

En 1635, j’y constate encore la présence d’un amoureux : « Le 24 avril, j’ai bu à la santé du roy dans la corne, et pour passer ma fantaisie j’ai bu en même temps à la santé de ma mie. » Signé Toynest. Toynest, cela sent le roturier ; mais ce roturier était aussi galant chevalier que bon royaliste.

Tous ces souvenirs sont extraits du registre de la confrérie. Il se termine au 19 septembre 1635 par la mention suivante : « Nous Lacoudray et Dez avons rendu honneur à la corne, bu à la santé du roy, et après avoir rendu hommage à la dite corne l’avons remise au dit lieu avec les cérémonies requises. »

Ces derniers mots ne semblent-ils pas être un procès-verbal d’enterrement, un protocole de funérailles ? Hélas ! oui ! La Corne est bien malade, elle va mourir. Lacoudray et Dez, sans le savoir, la livraient à l’éternel repos. Le 15 novembre 1635, le général des Impériaux, Gallas, surprit le Hoh-Barr. On ne sait point si lui, ses lansquenets et ses reîtres honorèrent la Corne de Manderscheid. S’ils y burent, ce qui est probable, ce fut