Page:Gérard - L’Ancienne Alsace à table, 1877.djvu/39

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nombreux marchands de Metz, de Cologne et d’Aix-la-Chapelle, on doit croire aussi que notre province recevait par là une partie de ses approvisionnements en épices[1].

Mais ces objets de luxe culinaire étaient à trop haut prix pour descendre dans les cuisines vulgaires. Celles-ci demandaient aux plantes indigènes les aromates et les stimulants qu’elles ne pouvaient emprunter aux contrées asiatiques. Parmi eux figuraient la gyrole, les câpres, la menthe, la balsamine, le basilic, la véronique, le romarin, la marjolaine, les fleurs d’armoise, le serpolet, le thym, l’hyssope, la sauge, l’aromate le plus distingué de la vieille cuisine, l’aneth, la lavande, la passerage, l’absinthe, la giroflée, la pimprenelle ou poivre allemand, la sarriette, la moutarde, le cumin, le fenouil, l’anis, la coriandre noire, le trèfle musqué, le fenugrec, le safran, dont les plantations les plus fameuses étaient à Worms et à Illfussheim près de Landau, les baies de sureau, la violette, la pivoine, les feuilles de roses, le bois de réglisse, et un grand nombre d’autres substances qu’il serait trop long d’énumérer. Certes, il y avait là de quoi satisfaire les goûts les plus divers et les plus étranges, et nous ne pouvons que nous féliciter d’avoir échappé, après plusieurs siècles, à la redoutable simplicité d’une cuisine qui, sous bien des rapports, nous paraît avoir été cousine germaine de la pharmacie.

Ah ! si vous voulez de la simplicité véritable, remontons, s’il vous plaît, à l’an 1182 et voyons comment se nourrissaient les ouvriers qui édifiaient l’église de Saint-Léger de Guebwiller. Et le chroniqueur a soin de dire pourtant que ce fut une année excellente : Gott lob, es war eine gute Zeit ! « Pendant toute la semaine on leur donnait de l’ail et du pain à discrétion ; mais le dimanche ils avaient de la viande et toute autre chose en abondance[2]. » De l’ail toute la semaine avec du pain noir, à la

  1. De Lang, Bruchstücke einer baierischen Handelsgeschichte vom Jahr 1253 bis 1294. Munich, in-4°, p. 15.
  2. Chronique des Dominicains de Guebwiller, p. 9.