Page:Gérard - L’Ancienne Alsace à table, 1877.djvu/55

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truffes (Trüffeljæger) ; il avait, outre son traitement, droit à trois cordes de bois ; il résidait à Illkirch, seigneurie qui appartenait au préteur, et où il avait une maison de plaisance. Cet officier était chargé de diriger les recherches ou la quête des truffes, soit au moyen d’hommes, soit au moyen de porcs. Peut-être même employait-il déjà les chiens, car il n’y a aucune invraisemblance à penser que parmi les 200 chiens[1] qui composaient le chenil de M. le préteur, il se trouvait une escouade de chiens truffiers. L’existence de cet officier nous révèle, en outre, que les truffes étaient recueillies dans les environs de Strasbourg. D’autres parties de la Basse-Alsace en produisaient assez copieusement, mais elles étaient inférieures à celles de la Haute-Alsace et du duché de Bade ; l’on signalait surtout les territoires de Lipsheim, de Limersheim, et de Sermersheim, et au premier rang celui de Hindisheim, le plus renommé de tous. L’on prétend même qu’on en a trouvé autrefois dans les bastions de Strasbourg[2].

Ce n’étaient pas seulement les dignitaires profanes de l’ancien régime qui s’occupaient d’introduire et de propager, chez nous, des raretés alimentaires ; l’Église elle-même ne dédaigna pas d’apporter sur la table de nos pères un plat de sa façon : les escargots.

J’ai de la peine à croire que l’humilité et le désir de la mortification ont fait entrer l’escargot dans les cuisines monastiques. L’humilité aurait eu la main plus heureuse qu’on ne le voit communément. C’est la lutte contre le besoin, c’est la difficulté de satisfaire en même temps les règles canoniques et les délicatesses gustuelles des abbés dégénérés de l’ancienne simplicité, qui ont dû porter quelque hardi cuisinier-moine à mettre sous

  1. Beck, Factum des injustices et des cruautés commises par Joseph de Klinglin, — Amsterdam, 1752, in-fol., p. 74. Cet auteur accuse même le préteur de nourrir ses chiens avec le pain des pauvres, et de le prendre à l’hôpital ou à l’aumônerie de Saint-Marc.
  2. Annuaire du Bas-Rhin pour l’an VII, p. 279.