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Page:Gérard - La chasse au lion, 1864.djvu/279

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de temps sur la ville en deuil, les cadavres amoncelés dormaient sous la terre refermée ; l’épidémie ne menaçait plus l’active population de ses exhalaisons fétides, et le bonheur inespéré de n’avoir pas été frappé par le fléau destructeur apportait quelques consolations à l’âme de ceux qui s’étaient vus privés d’un ami ou d’un frère. Hélas ! il y a de l’égoïsme dans toutes les affections.

Nous savions que nous serions reçus par le major Ling avec une cordialité toute britannique ; car en Angleterre on fait bien les choses, quand on veut les bien faire. Nous allions nous trouver bientôt à table à côté des dames les plus aimables de Calcutta, et, quelque variés que fussent les paysages qui passaient et fuyaient vite derrière nous, nous accusions la tiédeur des bras nerveux qui faisaient glisser l’embarcation comme un oiseau pélagien.

Cependant au loin sur la rive gauche, à demi caché par un magnifique rideau de cocotiers aux panaches toujours verts, pointa bientôt l’élégant kiosque où nous attendaient de joyeuses soirées. Nous fûmes à l’instant même debout pour être plus tôt aperçus et pour voir de plus loin. Une heure après nous saluâmes de la main un groupe de personnes qui nous attendaient auprès d’un facile débarcadère et qui nous montraient déjà, sur leurs traits épanouis, tout le plaisir qu’elles avaient à nous bien accueillir. C’était l’Europe dans l’Inde, mais l’Europe des salons élégants, l’Europe ar-