Page:Gérin-Lajoie - Dix ans au Canada, de 1840 à 1850, 1888.djvu/502

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son entrée au ministère, qu'il accepte la place qu'il occupe maintenant. Fait ministre, il se rend à Québec et dit: « je viens solliciter vos suffrages, j'ai la confiance du peuple et de la Couronne, je demande la réélection. » N'est-ce pas là prendre l'engagement solennel vis-à-vis du peuple de le servir en Chambre? Comment s'expliquer le fait singulier qui, peu de semaines après, porte le ministre à dire à ses collègues: « Je m'ennuie de vous, je veux devenir juge? » Il me semble qu'il y a objection à ce qu'il devienne juge dans de telles circonstances: il avait pris sur lui la responsabilité de servir comme ministre pendant quatre ans. Oui, mais nos ministres trouvent toujours moyen de se tirer d'embarras. Il y avait probablement quelques dissensions dans le Conseil, et il fallait bien y rétablir l'unanimité: Eh bien! sois juge. Mais cela n'est pas assez: j'ai mes plaisirs, j'ai mes affections à Québec; je ne veux devenir juge à moins que ce ne soit à Québec. — Mais le banc à Québec est rempli; les juges ont droit de rester dans leurs charges, ils remplissent bien leurs devoirs, tout le monde en est content. — Oui, mais vous avez des juges complaisants; ils me donneront leur place pour vous faire plaisir.

On ne pouvait donc créer ce monsieur juge qu'en commettant une injustice. C'est vrai, mais il était trop pénible de le garder, il fallait donc lui trouver une place à Québec. C'était montrer que, puisqu'on avait le pouvoir, on était décidé à l'exercer avec toutes ses prérogatives, avec moins de réserve qu'un ministère tory, qui n'aurait pas fait la proposition qu'on nous fait aujourd'hui. Nous avons plus à craindre avec un ministère avec un ministère libéral fort, qu'avec un ministère tory faible et obligé à toute la prudence. Ceux qui sont au pouvoir aujourd'hui ne sont obligé à toute la prudence. Ceux qui sont au pouvoir aujourd'hui ne sont obligés à aucune précaution; ils usent de leurs facultés, ils n'en prennent aucune. Je ne me permettrai jamais l'ombre de réflexion sur ceux qui sont hors de cette Chambre; je dirai au contraire que le juge qu'on a amené ici de Québec, en encourant les disgrâces d'un gouvernement brutal dans une occasion bien connue, en souffrant sa destitution plutôt que