Page:Gérin-Lajoie - Dix ans au Canada, de 1840 à 1850, 1888.djvu/504

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en espérer. Dès lors on a abusé contre moi de la facilité qu'on avait de conduire la presse. On a tout faussé; on a dit et répété jusqu'à satiété un fameux « taisez-vous » qui rendra nos ministres immortels, à défaut de quelque chose de mieux. « Taisez-vous! » s'est-on écrié; « une discussion franche et libre pourrait briser notre parti, et le bien ne peut résulter que de l'union entre tous les membres de notre parti. »

La presse canadienne avait été arrêtée lors des malheureux événements de 37; ses propriétaires avaient été maltraités, emprisonnés de la manière la plus inconstitutionnelle, par l'ordre d'hommes aussi stupides que sanguinaires. Mais depuis, l'ordre avait été rétabli et la presse n'avait pas tardé à se relever. La presse libre du Bas-Canada a été reconstituée. La Minerve a reparu au même rang où l'avaient élevée son patriotisme et son indépendance, dans des temps de luttes vigoureuses entre le peuple et un gouvernement injuste. Il n'y a eu de rétabli dans ce premier moment aucune presse qui ne se soit donnée, pieds et mains liés, au ministère. Depuis ce temps toute cette presse n'a cessé d'être conduite par l'imagination des ministres, qui ne l'ont rétablie qu'à la condition formelle qu'elle serait leur organe en tout et partout, qu'elle dirait tout ce qu'ils désiraient et rien autre chose. Si, en attachant cette presse, on n'eût eu pour but que d'avoir un organe pour exposer et développer les vues du gouvernement, il n'y aurait eu là dedans rien que de louable: de pareilles presses se voient dans tous les pays. Mais on ne s'en tient pas là. On s'en est fait une arme, un moyen d'injure et de calomnie contre tous ceux qui ont osé différer d'opinion avec notre ministère libéral.

Il ne s'est pas trouvé de presses indépendantes dans lesquelles un seul mot de défense ait été dit en faveur des hommes les plus odieusement calomniés. Ce système a donné une force extraordinaire, une force sans contrôle aux chefs du parti dit libéral. Ne voyant que des journaux à leur solde, le système de l'injure et de la calomnie a été par eux mis à l'ordre du jour. On a endormi