Page:Gérin-Lajoie - Dix ans au Canada, de 1840 à 1850, 1888.djvu/508

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

attendent-ils leurs récompenses? Quand quelque crime bien odieux a été commis, quand quelques turpitudes incroyables, excessives, sont déjetées sur la société, et que pendant un temps le coupable n'est pas connu, quelles seront les recherches judicieuses qui mettront la justice sur la piste pour le découvrir? Elle se dira: à qui le crime, à qui des turpitudes qui répugnent à tout ce qui a une tête et un cœur d'homme ont-elles pu profiter? De quoi s'agit-il? d'être ou de n'être pas en place; de garder, perdre ou reprendre des portefeuilles, et toutes l'adulation, le patronage, l'autorité qu'ils donnent.

Est-ce que les éditeurs de la Minerve, Revue, Mélanges Religieux, voire même du Journal de Québec, se croient de figure et d'allure à porter avec grâce et dignité, avec honneur pour eux-mêmes et utilité pour le pays, des portefeuilles? Non, ils ne sont pas de taille à se charger d'un pareil fardeau. Ils sont donc soufflés pour vomir incessamment la calomnie, pour ne donner jamais admission aux dénégations d'hommes innocemment accusés, pour ne jamais se rétracter, quand ils se sont assurés qu'ils ont dit faux. Oui, ce sont des journaux soufflés, des journaux souillés.

Un système aussi immoral, aussi fortement organisé, aussi odieusement suivi avec persévérance depuis six ou sept ans, n'aurait jamais pu avoir une telle durée dans aucun pays où, par des circonstances déplorables, un homme ou une très petit nombre d'hommes combinés n'auraient pas été rendus les seuls maîtres de la presse du pays, pour l'animer d'une direction, d'une inspiration à son, ou leur, profit. Mais le mal a cessé. La presse ministérielle, il est vrai, est bien toute aussi immorale et mensongère aujourd'hui qu'hier, ses énormités sont aussi scandaleuses, elle ne sait respirer que du poison; mais l'antidote est trouvé. Depuis quelques mois seulement, il y a deux presses indépendantes, deux presses où le pour et le contre peuvent être discutés; où la raison, l'argumentation sont reçues avec faveur; où les plus hautes questions politiques sont journellement traitées avec une supériorité