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JEAN RIVARD

Le seul reproche articulé dans le cours de l’entretien, le fut par Mademoiselle Routier :

— « Ce n’est pas beau, dit-elle, d’un petit air qu’elle s’efforçait de rendre boudeur, d’avoir laissé passer presque six mois sans nous donner de vos nouvelles.

— Cette chère Louise, ajouta Madame Routier, elle vous croyait mort, ce qui ne l’empêchait pas pourtant de dire tous les jours, comme de coutume, une partie de son chapelet à votre intention. Seulement au lieu d’une dizaine elle en disait deux, et si vous n’étiez pas arrivé, je crois qu’elle en serait venue à dire tout son chapelet pour le repos de votre âme.

— Ah ! maman, ne parlez donc pas comme ça, dit Louise en rougissant encore davantage.

Jean Rivard n’eut pas de peine à convaincre son amie que leur longue séparation et son silence de plusieurs mois n’avaient en rien changé ses sentiments, et pour preuve, il lui remit, avec la permission de sa mère, les lettres qu’il lui avait écrites durant l’hiver et qu’il n’avait pu lui faire parvenir.

Jean Rivard songeait bien déjà à la demander en mariage, mais malgré tout son amour, ou plutôt à cause de cet amour, il ne voulait pas exposer sa Louise à regretter l’aisance et le bonheur dont elle jouissait sous le toit de ses parents.

Le père Routier fit à Jean Rivard une foule de questions sur le canton de Bristol, sur la qualité du sol, sur les communications ; il le fit parler longtemps sur ses travaux de déboisement, sur ses craintes et ses espérances pour l’avenir ; et quand Jean Rivard fut sorti :

— « Notre voisine est heureuse, dit-il, d’avoir un garçon comme celui-là. C’est ce qu’on peut appeler