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ÉCONOMISTE.

posa de s’emparer le lendemain du poll de Rivardville, où les électeurs votaient en masse pour Jean Rivard, et de les empêcher bon gré mal gré d’approcher de l’estrade. C’était le seul expédient dont on pût faire l’essai, et la proposition fut agréée.

On put donc voir, le lendemain, dès neuf heures du matin, une bande de fiers-à-bras, à mine rébarbative, la plupart étrangers au comté, se tenir d’un air menaçant aux environs du poll de Rivardville et en fermer complètement les avenues. Plusieurs électeurs paisibles, venus pour donner leur vote, craignirent des actes de violence, et rebroussèrent chemin. Peu à peu cependant, le nombre des électeurs s’accrut, et un rassemblement considérable se forma devant l’estrade. Tout-à-coup, un mouvement se fit dans la foule. On entendit des cris, des menaces. Un électeur, suivi de plusieurs autres, voulut s’approcher du poll ; les fiers-à-bras les repoussèrent ; il insista en menaçant : on le repoussa de nouveau, en se moquant de lui. Il se fâcha alors, et d’un coup de poing, vigoureusement appliqué, étendit par terre l’un des fiers-à-bras qui s’opposaient à son passage. Ce fut le signal d’une mêlée générale. Deux ou trois cents hommes en vinrent aux prises et se déchiraient à belles dents. Les candidats eurent beau intervenir, leurs remontrances se perdirent dans le bruit de la mêlée. Cette lutte ne dura pas moins de dix minutes, et il devenait difficile de dire comment elle se terminerait, lorsqu’on aperçut le chef des fiers-à-bras étrangers tomber tout-à-coup, renversé par un des partisans de Jean Rivard. L’individu qui l’avait ainsi repoussé continua à frapper de droite et de gauche ; chaque coup de poing qu’il assénait retentissait