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JEAN RIVARD

qu’un ou de quelque chose, telle semblait être sa mission.

Hâbleur de première force, il passait ses journées à disserter à tort et à travers, sur la politique d’abord, puis sur les affaires locales et municipales, les affaires d’école, les affaires de fabrique, et si ces projets lui faisaient défaut, tant pis pour les personnes, c’étaient elles qui passaient au sas de sa critique.

Dans la paroisse où il demeurait avant d’émigrer à Bristol, il avait été pendant vingt ans en guerre avec ses voisins pour des questions de bornage, de découvert, de cours d’eau, pour de prétendus dommages causés par des animaux ou des volatiles, et pour mille autres réclamations que son esprit fertile se plaisait à inventer.

Ces tracasseries qui font le désespoir des gens paisibles étaient pour lui une source de jouissances. Il se trouvait là dans son élément. Une église à bâtir, un site à choisir, une évaluation à faire, un chemin public à tracer, une école à établir, des magistrats à faire nommer, des officiers de voirie à élire, toutes ces circonstances étaient autant de bonnes fortunes pour notre homme.

Un fait assez curieux peut servir à faire comprendre jusqu’à quel point cet individu poussait l’esprit de contradiction. En quittant sa paroisse natale, où il avait réussi, on ne sait comment, à se faire élire conseiller municipal, il refusa de donner sa démission en disant à ces collègues : je reviendrai peut-être ! en tous cas, soyez avertis que je m’oppose à tout ce qui se fera dans le conseil en mon absence.

C’était là l’homme que Jean Rivard allait avoir à combattre.