Cependant l’heure de mon départ approchait ; et ce ne fut pas sans regret que je songeai à me séparer de mes hôtes. Je n’avais passé qu’un seul jour sous ce toit hospitalier ; mais ce seul jour valait pour moi toute une longue suite d’années. J’avais découvert un monde nouveau. J’étais pour ainsi dire affaissé sous le poids de mes pensées :
Cette famille, me disais-je, n’offre-t-elle pas l’image parfaite du bonheur et de la vertu, s’il est vrai, comme disent les philosophes, que la vertu tienne le milieu entre les deux extrêmes ? Cet homme, en apparence si modeste et si humble, ne réunit-il pas dans sa personne toutes les qualités du sage et de l’homme de bien ? L’intelligence qu’il a reçue du Créateur, il la cultive par l’étude et l’observation ; sa force musculaire il la développe par le travail et l’exercice ; ses bons sentiments naturels, il les met en activité en se rendant utile à ses semblables ; doué d’un cœur affectueux, il répand sa tendresse sur une famille chérie ; il exerce enfin dans une juste mesure toutes les facultés morales, intellectuelles et physiques dont le ciel l’a doué : vivant d’ailleurs également éloigné de l’opulence et de la pauvreté, de la rusticité et de l’élégance raffinée, de la rudesse grossière et de la grâce prétentieuse, sans vanité, sans ambition, ayant dans toutes les actions de sa vie un but sérieux et honorable…
Quel contraste entre cette vie paisible et l’existence inquiète, agitée, tourmentée de la plupart des hommes de notre classe, qui ne parviennent à la science qu’en ruinant leur santé, qui ne parviennent à la richesse qu’en appauvrissant leurs semblables, qui dans tous leurs actes et leurs travaux n’ont en