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JEAN RIVARD

Il faisait beau voir le pieux recueillement, le silence religieux qui régnaient dans cette pauvre cabane convertie en temple ! Ceux qui n’ont jamais assisté au sacrifice divin que dans les cathédrales splendides, en face d’autels magnifiquement décorés, ne savent pas les jouissances intimes qu’éprouve l’âme chrétienne qui se trouve pour ainsi dire en contact avec son Créateur dans un pauvre oratoire. Chateaubriand a fait un tableau magnifique de la prière du soir récitée sur un navire, au milieu des vagues de l’Océan et aux rayons dorés du soleil couchant ; il eût fait un tableau pour le moins aussi intéressant du sacrifice célébré au milieu des forêts du Canada, à l’ombre d’arbres séculaires, au bruit du chant des oiseaux, au milieu des parfums s’exhalant du feuillage verdoyant et des plantes en fleur. Une assistance composée d’humbles familles, hommes, femmes, enfants, vieillards, courbés sous le poids du travail, demandant à Dieu le pain de chaque jour, la santé, la paix, le bonheur, offre certainement quelque chose de plus touchant que le spectacle d’une réunion d’insouciants marins ou d’industriels courant à la recherche de la fortune.

Mais si la visite mensuelle du jeune missionnaire était une fête pour toute la population du canton, elle l’était doublement pour Jean Rivard, qui retrouvait ainsi un ami de cœur dans le sein duquel il pouvait épancher, comme autrefois, ses plus intimes confidences.

Madame Rivard aussi attendait chaque mois avec impatience l’arrivée de monsieur Doucet. C’était un grand bonheur pour elle que la présence d’un prêtre dans sa maison. La petite chambre qu’il habitait