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ÉCONOMISTE.

trouver un moment pour écrire à mes amis. Outre mes travaux de défrichement, qui vont toujours leur train, j’ai à diriger en quelque sorte l’établissement de tout un village. Je suis occupé du matin au soir. Ne sois pas surpris mon cher Gustave, si tu entends dire un jour que ton ami Jean Rivard est devenu un fondateur de ville. Tu ris, j’en suis sûr. Il est de fait pourtant qu’avant qu’il soit longtemps les environs de ma cabane seront convertis en un village populeux et prospère. À l’heure qu’il est, je viens de terminer la construction d’une église. Tout marche et progresse autour de moi : moulins, boutiques, magasins, tout surgit comme par enchantement. Si j’avais le temps de te donner des détails, tu en serais étonné toi-même. Je commence à croire que je vais devenir riche, beaucoup plus que je ne l’avais jamais rêvé. Ce qui est au moins certain, c’est que je puis être désormais sans inquiétude sur le sort de mes frères : leur avenir est assuré. C’est un grand soulagement d’esprit pour ma mère et pour moi.

« Je t’expliquerai tout cela quand tu viendras me faire visite.

« Il est vrai qu’il nous manque encore beaucoup de choses. Nous n’avons ni école, ni municipalité, ni marché, ni bureau de poste, etc., mais tout cela va venir en son temps. Paris ne s’est pas fait en un jour.

« Je m’attends bien à rencontrer de grandes difficultés par la suite. Nous avons déjà parmi nous des hommes à vues mesquines, à esprit étroit, qui ne cherchent qu’à embarrasser la marche du progrès. Mais il faudra vaincre ou périr. J’ai toujours sous les yeux ma devise : labor omnia vincit ; et je suis plein d’espoir dans l’avenir.