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ÉCONOMISTE.

VIII.



cinq ans après.


Gustave Charmenil à Jean Rivard.


« Mon cher ami,


« Je commence à croire que Madame de Staël avait raison quand elle disait que le mariage n’était que de l’égoïsme à deux. Depuis que tu as eu le bonheur de recevoir ce grand sacrement, c’est à peine si tu m’as écrit deux ou trois petites lettres. Je garderais rancune à ta Louise si je pensais que c’est elle qui te fait oublier ainsi tes meilleurs amis. Pourquoi ne m’écris-tu pas de longues lettres, comme autrefois ? Tu sais combien je m’intéresse à ton exploitation ; je voudrais en connaître les plus petits détails ; je voudrais surtout savoir si tu as bien conservé l’ardeur et l’enthousiasme de tes premières années. Chaque fois que je me rencontre avec un de nos amis de collége, tu deviens notre principal sujet de conversation. Tous savent depuis longtemps le parti que tu as embrassé et chacun est dans l’admiration de ton courage et de tes hauts faits. De tous ceux qui ont fait leurs classes en même temps que nous, pas un n’est aussi avancé que toi, pas un n’est marié ; la plupart attendent après une fortune qui ne viendra probablement jamais. Je suis peut-être moi-même au nombre de ces derniers, quoique ma position se soit quelque peu améliorée depuis l’époque où je te faisais le confident de mes nombreuses tribulations.