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ÉCONOMISTE.

« Tout ce que je puis dire, mon cher, c’est que je ne voudrais, pour rien au monde, retourner à la vie de célibataire. Voilà bientôt cinq ans que j’ai contracté cet engagement irrévocable, et il me semble que ce n’est que d’hier. Si tu savais combien le temps passe vite lorsque l’on fait la route à deux ! On n’est pas toujours aussi gai que le premier jour des noces, mais on est aussi heureux, plus heureux peut-être. La tendresse qu’on éprouve l’un pour l’autre devient de jour en jour plus profonde, et lorsque, après quelques années de ménage, on se voit entouré de deux ou trois enfants, gages d’amour et de bonheur, on sent qu’on ne pourrait se séparer sans perdre une partie de soi-même.

« Je te dirai donc, mon cher Gustave, que, suivant moi, le mariage tend à rendre l’homme meilleur, en développant les bons sentiments de sa nature, et que cela doit suffire pour rendre le bonheur plus complet.

« Le rôle de la femme est peut-être moins facile ; sa nature nerveuse, impressionnable, la rend susceptible d’émotions douloureuses, de craintes exagérées ; la santé de ses enfants surtout la tourmente sans cesse ; mais en revanche elle goûte les joies ineffables de la maternité ; et à tout prendre, la mère de famille ne changerait pas sa position pour celle de la vieille fille ou celle de l’épouse sans enfant. Ainsi, marie-toi, mon cher Gustave, aussitôt que tes moyens te le permettront. Tu as un cœur sympathique, tu aimes la vie paisible, retirée, tu feras, j’en suis sûr un excellent mari, un bon père de famille.

« Que je te plains de ne pouvoir te marier, lorsque tu n’as que cent louis par année ! il est si facile d’être heureux à moins !