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LE DÉFRICHEUR

nuit, qu’il n’était plus seul. En effet, un bon soir, il vit arriver à son habitation un homme d’un certain âge, de mine respectable, qu’il avait remarqué souvent à l’église de Grandpré. Cet homme lui annonça qu’il était établi à une distance d’environ trois milles. Son nom était Pascal Landry.

À l’époque où Jean Rivard avait quitté Grandpré, M. Landry y occupait une petite terre de cinquante arpents qui lui rendait à peine assez pour faire subsister sa famille. Désespérant de jamais augmenter sa fortune et se voyant déjà avec quatre fils en âge de se marier, il avait pris le parti de vendre sa terre de Grandpré, et d’acheter dans le Canton de Bristol, où il savait que Jean Rivard avait déjà frayé la route, une étendue de cinq cents acres de terre en bois debout, qu’il avait divisés entre lui et ses quatre enfants. Quoiqu’il n’eût vendu sa propriété de Grandpré que cinq cents louis, il avait pu avec cette somme acheter d’abord ce magnifique lopin de cinq cents acres, puis se procurer toutes les choses nécessaires à son exploitation, et se conserver en outre un petit fonds disponible pour les besoins futurs.

Ses fils tenant à s’établir le plus tôt possible, ne reculaient pour cela devant aucun travail. Tous étaient convenus de travailler d’abord en commun. Le père devait être établi le premier : tous ses enfants devaient l’aider à défricher son lot jusqu’à ce qu’il eut vingt cinq arpents en culture ; l’aîné des fils devait venir ensuite, puis le cadet, et ainsi de suite jusqu’à ce que chacun des garçons fût en état de se marier.

Quoiqu’ils ne fussent arrivés qu’au commencement de juin, ils avaient déjà défriché plus de cinq