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LE DÉFRICHEUR

ser les infidèles. » — Ah ! mon cher ami, je te remercie bien de la haute opinion que tu as de moi, mais l’idée seule des devoirs du prêtre m’a toujours fait trembler. À mes yeux, le prêtre, et en particulier le missionnaire qui va passer les belles années de sa jeunesse au milieu des peuplades barbares, non pour faire fortune comme les chercheurs d’or ou les traitants, ni pour se faire un nom comme les explorateurs de contrées nouvelles, mais dans le seul but de faire du bien, de faire connaître et adorer le vrai Dieu, tout en répandant les bienfaits de la civilisation dans des contrées lointaines, — qui pour cela se résigne courageusement à toutes sortes de privations physiques et morales, se nourrissant de racines, couchant en plein air ou au milieu des neiges, n’ayant jamais un cœur ami à qui confier ses souffrances — celui-là, dis-je, est suivant moi, plus digne du titre de héros que tous ceux que l’histoire décore pompeusement de ce nom ; ou plutôt ce titre ne suffit pas, car le vrai prêtre est pour ainsi dire au-dessus de l’humanité, puisqu’il est l’intermédiaire entre Dieu et les hommes.

« Ne sois donc pas surpris si je recule à la pensée d’embrasser cet état. Peut-être aussi as-tu le tort, mon cher ami, de me mesurer un peu à ta taille, de me supposer un courage à la hauteur du tien. Plût à Dieu qu’il en fut ainsi ! Mais je me connais trop bien : je sais trop toutes mes faiblesses, et je préfère encore végéter et souffrir que de m’exposer à déshonorer le sacerdoce par une froide indifférence ou de coupables écarts.

« Mais j’ai une grande nouvelle à t’apprendre : ma Belle inconnue ne m’est plus inconnue ; je sais son