Page:Gérin-Lajoie - Jean Rivard, le défricheur, 1874.djvu/131

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
126
JEAN RIVARD

« Suivant l’usage, je me rendis assez tard dans la soirée ; ces bals ne s’ouvrent généralement que vers dix heures, c’est-à-dire, à l’heure où les honnêtes gens se mettent au lit.

« Les danses étaient déjà commencées. Les salles et les passages étaient remplis d’invités et d’invitées ; on ne pouvait circuler qu’avec peine.

« Je ne connaissais personne ; mais heureusement que mademoiselle DuMoulin m’aperçut, et qu’elle fut assez bonne pour s’avancer vers moi et m’offrir de me présenter à Monsieur et Madame Dumoulin. Je fus un peu moins timide cette fois, quoique le cœur me tremblât encore bien fort.

« Le coup d’œil était magnifique. L’éclat des lampes et des bougies, les vases de fleurs artistement disposés sur les corniches, les glaces qui couvraient les murs et dans lesquels se reflétaient les toilettes des danseuses, la richesse et la variété de ces toilettes, tout semblait calculé pour éblouir les yeux. C’était quelque chose de féerique, au moins pour moi qui n’avais encore rien vu en ce genre. Quelques-unes des danseuses portaient sur leurs personnes, tant en robes, dentelles, rubans, qu’en fleurs, plumes, bijoux, etc., pour une valeur fabuleuse. Je ne jurerais pas que les mémoires de la marchande de mode et du bijoutier eussent été complètement acquittés, mais ce n’est pas là la question. Les rafraîchissements abondaient, et des vins, des crèmes, des glaces, etc, furent servis à profusion durant tout le cours de la soirée.

« Grâce à la fermeté de Madame DuMoulin, aucune valse ni polka ne fut dansée, au grand désappointement d’un certain nombre de jeunes galants à mous-