Page:Gérin-Lajoie - Jean Rivard, le défricheur, 1874.djvu/175

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
170
JEAN RIVARD

est aussi bonne que celle de l’année dernière, j’aurai une bonne quantité de grains à vendre vers la fin de l’automne, et je pourrai mettre une jolie somme de côté, que je te prêterai encore ; tu me rendras tout cela quand tu seras avocat, ou plus tard quand tu seras représentant du peuple. N’est-ce pas que ce sera une bonne affaire pour nous deux ? Dis-moi que tu acceptes, mon cher Gustave, et avant quinze jours tu recevras de mes nouvelles.

« Je n’ai pas le temps de t’en dire plus.


« Ton ami pour la vie.

« Jean Rivard. »


Les quinze jours n’étaient pas expirés qu’une lettre arrivée de Montréal à Lacasseville, à l’adresse de Jean Rivard, fut transmise de cabane en cabane jusqu’à Louiseville. Elle se lisait ainsi :

« Ah ça ! mon ami, est-ce bien de toi que j’ai reçu une lettre dans laquelle on m’offre de l’argent ? Si c’est de toi, en vérité, pour qui me prends-tu donc ? Me crois-tu le plus vil des hommes pour que je veuille accepter ce que tu me proposes ? Quoi ! tu auras travaillé comme un mercenaire pendant près de deux ans, tu te seras privé de tous les plaisirs de ton âge, vivant loin de toute société, loin de ta mère, de ta famille, de tes amis, afin de pouvoir plus tôt t’établir et te marier… et ce sera moi qui recueillerai les premiers fruits de tes sueurs ? Ah ! Dieu merci, mon ami, je ne suis pas encore descendu jusque là. Je suis plus pauvre que bien d’autres, mais j’ai du cœur autant que qui que ce soit. Je ne te pardonne-