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Page:Gérin-Lajoie - Jean Rivard, le défricheur, 1874.djvu/199

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JEAN RIVARD

nouvelle que je n’aurais pas eu la force de t’écrire, il y a un mois… Elle est… mariée ! Oui, mon cher ami, malgré ma première détermination bien arrêtée, j’avais fini, comme tu sais, par la connaître, lui parler, et apprendre sur son compte diverses particularités qui me la faisaient aimer davantage. Je me surprenais à faire encore malgré moi d’inutiles et chimériques projets, lorsqu’un dimanche du mois dernier, ne la voyant pas dans l’église à sa place ordinaire, et alarmé déjà de cette absence inusité, j’entendis tout-à-coup au prône le prêtre annoncer parmi les promesses de mariage celle de M. X***, avocat, et de Mademoiselle Joséphine Esther Adéline DuMoulin ! Je fus frappé comme de la foudre, et j’eus toutes les peines du monde à cacher à mes voisins les émotions terribles qui m’agitaient ; le cœur me battait à me rompre la poitrine.

« Chaque jour depuis, mon cher ami, je maudis malgré moi un état où les plus belles années de la vie se passent dans la privation des plaisirs du cœur, où le jeune homme doit tenir ensevelis au-dedans de lui-même les plus beaux sentiments de la nature, exposé sans cesse à se perdre au milieu des flots agités de cette mer orageuse qu’on appelle le monde.

« Mais c’est assez me désoler quand je ne devrais que te féliciter. J’espère que j’aurai un jour le plaisir d’accomplir ce devoir en personne. En attendant, je demeure, mon cher ami,


« Ton ami dévoué,

« Gustave Charmenil. »