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JEAN RIVARD

tif. Toi qui es poète, mon cher Gustave, ne feras-tu pas mon épopée un jour ?… »

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Et il continuait ainsi ; on eût dit que la bonne humeur de Pierre Gagnon servait à entretenir celle de son jeune maître.

Lorsque, au commencement de l’hiver, une légère couche de neige vint couvrir la terre et les branches des arbres, le changement de scène le réjouit ; la terre lui apparut comme une jeune fille qui laisse de côté ses vêtements sombres pour se parer de sa robe blanche. Aux rayons du soleil, l’éclat de la neige éblouissait la vue, et quand la froidure ne se faisait pas sentir avec trop d’intensité, et que le calme régnait dans l’atmosphère, un air de gaîté semblait se répandre dans toute la forêt. Un silence majestueux, qui n’était interrompu que par les flocons de neige tombant de temps à temps de la cime des arbres, ajoutait à la beauté du spectacle. Jean Rivard contemplait cette scène avec ravissement.

Un autre spectacle procurait encore à notre héros des moments de bonheur et d’extase : c’était celui d’un ouragan de neige. Il n’était jamais plus intéressé, plus heureux que, lorsque la neige, poussée par un fort vent, tombait à gros flocons, et que les arbres de la forêt, balançant leurs cimes agitées, faisaient entendre au loin comme le bruit d’une mer en furie. Il ne pouvait alors rester assis dans sa cabane et mettant de côté ses livres ou ses outils, il sortait en plein vent pour contempler ce spectacle des éléments déchaînés ; il se sentait comme en contact avec la nature et son auteur.