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JEAN RIVARD

X.

la sucrerie.


À l’une des extrémités de la propriété de Jean Rivard se trouvait, dans un rayon peu étendu, un bosquet d’environ deux cents érables ; il avait dès le commencement résolu d’y établir une sucrerie.

Au lieu d’immoler sous les coups de la hache ces superbes vétérans de la forêt, il valait mieux, disait Pierre, les faire prisonniers et en tirer la plus forte rançon possible.

Nos défricheurs improvisèrent donc au beau milieu du bosquet une petite cabane temporaire, et après quelques jours employés à compléter leur assortiment de goudrelles ou goudilles, d’auges, casseaux et autres vases nécessaires, dont la plus grande partie avaient été préparés durant les longues veillées de l’hiver, tous deux, un bon matin, par un temps clair et un soleil brillant, s’attaquèrent à leurs deux cents érables.

Jean Rivard, armé de sa hache, pratiquait une légère entaille dans l’écorce et l’aubier de l’arbre, à trois ou quatre pieds du sol, et Pierre, armé de sa gouge, fichait de suite au-dessous de l’entaille la petite goudrelle de bois, de manière à ce qu’elle pût recevoir l’eau sucrée suintant de l’arbre et la laisser tomber goutte à goutte dans l’auge placé directement au-dessous.