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Page:Gérin-Lajoie - Jean Rivard, le défricheur, 1874.djvu/95

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JEAN RIVARD

journée faite, tu ne me reconnaîtrais pas ; je te paraîtrais si affreux que tu dirais : ce n’est pas lui. Je ne dis pas cela pour me plaindre : loin de là. D’abord je sais bien que nous sommes sur la terre pour travailler : c’est le Créateur qui l’a voulu ainsi, et ce que l’homme a de mieux à faire c’est d’obéir à cette loi. Mais il est d’autres considérations qui ont aussi beaucoup de force à mes yeux. Celui qui ne travaille pas, en supposant même qu’il serait assez riche pour être ce qu’on appelle indépendant, prive son pays du bien que rapporterait son travail, et quand même celui-là se dirait patriote, je n’en crois rien. On n’est pas patriote en ne faisant rien pour augmenter le bien-être général. En outre, n’ai-je pas plusieurs raisons particulières de travailler, moi ? Que deviendrait ma pauvre mère avec ses dix enfants si je ne pouvais l’aider un peu par la suite ? Puis, comment pourrais-je songer à me marier un jour ? Ces deux dernières considérations suffiraient seules pour me donner du cœur quand même les autres n’existeraient pas.

« Quand j’entends le matin le cri du petit oiseau, il me semble que c’est Dieu qui l’envoie du ciel pour m’éveiller, et je me lève, l’esprit gai, le corps dispos, et prêt à reprendre ma tâche.

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« Les alentours de ma cabane commencent à s’éclaircir. Tu pourras dire à ton père que je vais ensemencer quinze arpents de terre neuve ; il connaît cela, il comprendra que je ne dois pas rester les bras croisés.

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« Je commence à aimer beaucoup ma nouvelle résidence ; c’est peut-être parceque je l’ai nommée Louiseville, c’est un si beau nom ! Quand nous aurons