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ARMINIUS,
Voici le point fatal, marqué pour ma disgrâce ;
Le jour qu’il arriva, j’étais seule à la chasse ;
Il me vit, et son cœur qui suit la nouveauté,
Crut voir en mon visage, une ombre de beauté ;
Il le voit, il l’observe, il lui plaît, il l’admire ;
Ce cœur brise à l’instant, les fers de Segimire ;
(Car j’ai su qu’il aimait, et qu’il était aimé ;)
Et sans considérer qu’il en serait blâmé ;
Et sans considérer qu’il trahissait un frère,
Son artifice ordonne, à ses gens de se taire :
Ainsi loin de passer pour un Ambassadeur,
Il parle de son frère, avec tant de froideur,
Que Segeste abusé, veut en savoir la cause ;
Là, comme il est adroit, il invente, il impose ;
Il dit qu’Arminius n’a point d’affection,
Et qu’il n’a pour objet, que son ambition.
Que sans considérer l’amour ni les personnes,
Ses yeux ne sont ouverts qu’à l’éclat des couronnes ;
Qu’il ne fait cet Hymen, qu’afin de s’élever ;
Qu’on doit craindre et prévoir, ce qui peut arriver ;
Qu’ayant dit son avis avec trop de franchise,
De cette ambitieuse, et hautaine entreprise,
Il s’était vu contraint d’abandonner la Cour,
Et de perdre son rang, pour conserver le jour.
AGRIPINE.
Que ce prince eut d’adresse, en ce mauvais office !