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TRAGI-COMÉDIE.
Je vois ces champs affreux, où nous sont apparus
Les funestes débris, des Troupes de Varus.
Les Bois de Teutobourg, s’offrent à ma mémoire ;
J’y vois ce Général, dépouillé de sa gloire ;
Je le vois s’avancer, d’un pas faible et tremblant ;
Il sort de ce Marais, triste, pâle, et sanglant ;
Je vois, je vois encore, ces marques de victoire,
Dont l’ennemi superbe, éternisa sa gloire ;
Ces Armées, ces Boucliers, ces Piques, et ces Dards,
Élevés en Trophée, et consacrés à Mars.
J’y vois l’aigle Romaine, (ô funeste pensée !)
Marquer honteusement, notre perte passée ;
Je la vois suspendue, elle s’offre à mes sens ;
Je vois ces lieux maudits, couverts d’os blanchissants ;
Je vois de notre Camp les pitoyables restes ;
Je vois mille malheurs, et mille objets funestes ;
Je vois encore debout les tragiques Autels,
Ou tombaient nos soldats, frappez de coups mortels ;
Je vois qu’il faut punir l’audace du Barbare ;
Je le vois, je le veux, et mon bras s’y prépare ;
Mais bien que notre mal, soit sans comparaison,
Je ne puis le guérir, par une trahison.
SEGESTE.
Ô le faible scrupule !
GERMANICUS.
Ô qu’il est raisonnable !