Page:Gaboriau - L’Affaire Lerouge.djvu/543

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vait dépensière ! Cette révélation, en ce moment, atteignait le bonhomme en plein cœur. Pourtant il dissimula. Un geste, un regard pouvaient éveiller la défiance de l’usurier et lui fermer la bouche.

— On sait cela, reprit-il du ton le plus dégagé qu’il put. Bast ! il faut que jeunesse se passe. Que croyez-vous donc qu’elle lui coûte par an, cette coquine ?

— Ma foi, je ne sais pas. Il a eu le tort de ne pas lui assigner un fixe. À mon calcul, elle doit bien, depuis quatre ans qu’il l’a, lui avoir avalé dans les environs de cinq cent mille francs.

Quatre ans ! cinq cent mille francs !

Ces mots, ces chiffres éclatèrent comme des obus dans la cervelle du père Tabaret.

Un demi-million !

En ce cas Noël était ruiné de fond en comble. Mais alors…

— C’est beaucoup, dit-il, réussissant, grâce à d’héroïques efforts, à cacher sa souffrance, c’est énorme même. Il faut remarquer cependant que M. Gerdy a des ressources.

— Lui ! interrompit l’usurier en haussant les épaules. Tenez, pas ça ! ajouta-t-il en faisant claquer sous ses dents l’ongle de son pouce. Il est nettoyé à fond. Cependant, s’il vous doit de l’argent, soyez sans crainte. C’est un malin. Il va se marier. Tel que vous me voyez, je viens de lui renouveler des billets pour 26,000 francs. Au revoir, monsieur Tabaret.