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Il allait poursuivre, mais le docteur Gendron, assis près de la fenêtre, se dressa brusquement.

— On marche dans le jardin ! dit-il.

Tout le monde s’approcha. Le temps était superbe, la nuit très-claire, un grand espace libre s’étendait devant les fenêtres de la bibliothèque, on regarda, on ne vit personne.

— Vous vous êtes trompé, docteur, fit le père Plantat en regagnant son fauteuil.

M. Lecoq continua :

— Nous supposons donc, messieurs, que, — sous l’empire de certains événements que nous aurons à rechercher plus tard, — M. de Trémorel a été amené à prendre la résolution de se défaire de sa femme.

Le crime résolu, il est clair que le comte a dû réfléchir et chercher les moyens de le commettre impunément, peser les conséquences et évaluer les périls de l’entreprise.

Nous devons admettre encore que les événements qui le conduisaient à cette extrémité étaient tels, qu’il dut craindre d’être inquiété et redouter des recherches ultérieures même dans le cas où sa femme serait morte naturellement.

— Voilà la vérité, approuva le juge de paix.

M. de Trémorel s’est donc arrêté au parti de tuer sa femme brutalement, à coups de couteau, avec l’idée de disposer les choses de façon à faire croire que lui aussi avait été assassiné, décidé à tout entreprendre pour laisser les soupçons planer sur un innocent, ou, du moins, sur un complice infiniment moins coupable que lui.

Il se résignait d’avance, en adoptant ce système, à disparaître, à fuir, à se cacher, à changer de personnalité ; à supprimer, en un mot, le comte Hector de Trémorel, pour se refaire, sous un autre nom, un nouvel état civil.

Ces prémices, fort admissibles, suffisent à expliquer toute une série de circonstances inconciliables au premier abord.