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dans la remise, cinq voitures avec leurs apparaux, coussins doubles, capotes mobiles, timons de rechange, lorsqu’il aperçut dans la cour le comte Hector.

— Je procédais fort lentement, monsieur le comte, lui dit-il, après l’avoir salué, peut-être désirez-vous arrêter les poursuites. La somme est importante, il est vrai, mais dans votre position…

— Sachez, monsieur, répondit superbement M. de Trémorel, que si vous êtes ici c’est que cela me convient. Mon hôtel ne me plaît plus, je n’y remettrai jamais les pieds, ainsi vous êtes le maître ; allez.

Et pirouettant sur ses talons, il s’éloigna.

Et Me Z… bien désillusionné se remit à l’œuvre. Il allait de pièce en pièce, admirant et saisissant. Il décrivait les coupes de vermeil gagnées aux courses, les collections de pipes, les trophées d’armes. Il saisit la bibliothèque, un meuble splendide, et tous les volumes qu’elle contenait : Un Manuel d’hippiatrique, la Chasse et la pêche, les Mémoires de Casanova, le Duel et les duellistes, Thérèse, la Chasse au chien d’arrêt

Pendant ce temps, le comte de Trémorel plus que jamais résolu au suicide, remontait le boulevard, se rendant chez sa maîtresse, qui occupait près de la Madeleine un petit appartement de six mille francs.

Cette maîtresse, Hector l’avait huit ou dix mois auparavant lancée dans le demi-monde sous le nom de miss Jenny Fancy.

La vérité est qu’elle s’appelait Pélagie Taponnet, et qu’elle était, sans que le comte s’en doutât, la sœur adultérine de son valet de chambre.

Protégée par le comte de Trémorel, miss Fancy a eu dans le demi-monde parisien un réel et bruyant succès de toilettes et de beauté.

Elle était loin cependant d’être belle, dans l’acception classique du mot. Mais elle présentait le type accompli du « joli » parisien, type qui, pour être de pure convention, n’en a pas moins des admirateurs passionnés. Elle avait des mains délicates d’un dessin parfait, un pied mi-