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Page:Gaboriau - Le Crime d’Orcival, 1867.djvu/193

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Trois ou quatre coups frappés à la porte le tirèrent d’un sommeil peuplé de fantômes. Il alla ouvrir. C’était le garçon qui venait prendre ses ordres et qui resta pétrifié sur le seuil, à la vue de cet homme aux vêtements en désordre, la cravate dénouée, livide, les yeux gonflés, les cheveux collés aux tempes par la sueur.

— Je n’ai besoin de rien, répondit Hector, je descends.

Il descendit. Il lui restait assez d’argent pour payer sa dépense, bien juste, car il ne put donner au garçon que six sous de pourboire.

C’est sans but, sans idée, qu’il quitta cet hôtel où il avait tant souffert. Plus que jamais il était décidé à mourir, seulement il souhaitait quelques jours de répit, une semaine, pour se remettre, pour se reconnaître. Mais comment vivre une semaine ? Il n’avait plus un centime sur lui.

Une idée de salut lui vint : le mont-de-piété.

Il ne connaissait cette providence à douze pour cent que de nom, précisément assez pour savoir que, sur ses bijoux, on lui avancerait une certaine somme. Mais où prendre un bureau d’engagement ? N’osant s’en faire indiquer un, il cherchait au hasard, à travers le quartier latin qu’il connaissait à peine. Il avait relevé la tête, il marchait d’un pas plus ferme, il cherchait quelque chose, il avait un but.

Rue de Condé, au-dessus d’une grande maison noire, il vit une enseigne : Mont-de-Piété. Il entra.

La salle était petite, humide, malpropre et pleine de monde. Il est vrai que si l’endroit était lugubre les emprunteurs semblaient porter gaîment leur misère.

C’étaient des étudiants et des femmes du quartier des écoles, qui causaient et riaient en attendant leur tour.

Le comte de Trémorel s’avançait, tenant à la main sa montre, sa chaîne et un fort beau brillant qu’il avait retiré de son doigt. La timidité de la misère le prenait, il ne savait à qui s’adresser. Une jeune femme eut pitié de son embarras.