Page:Gaboriau - Le Crime d’Orcival, 1867.djvu/209

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pour elle, prodigue comme un voleur, il ne lui avait jamais rien refusé, il courait au-devant de ses plus coûteuses fantaisies, mais enfin, il avait pour le gain l’âpreté d’un fils de paysan, et, en dépit de sa haute fortune, il gardait quelque chose de la vénération paternelle pour l’argent.

Quand il avait un marché à passer avec un de ses fermiers, il ne craignait pas de se lever de grand matin, de monter à cheval, même en plein hiver, de faire trois ou quatre lieues sous la pluie pour attraper quelques centaines d’écus.

Il se serait ruiné pour elle, si elle l’eût voulu, elle en était convaincue, mais il se serait ruiné économiquement, avec ordre, comme le plat bourgeois qui ouvre un compte à ses vices.

Sauvresy réfléchissait.

— Tu as raison, dit-il à Hector, tes créanciers doivent connaître exactement ta situation ; qui sait s’ils ne s’entendent pas ? La façon dont ils t’ont refusé cent mille francs avec le plus touchant ensemble me le ferait supposer. Je vais aller les trouver…

— La maison Clair, où j’ai contracté mes premiers emprunts doit être la mieux renseignée.

— Soit, je verrai MM. Clair. Mais, tiens, si tu étais raisonnable, sais-tu ce que tu ferais !

— Parle.

— Tu m’accompagnerais à Paris, et, à nous deux…

Hector, à cette proposition, s’était dressé tout pâle, l’œil étincelant.

— Jamais, interrompit-il violemment, jamais !…

Ses « très-chers » du club l’épouvantaient encore. Quoi ! déchu, tombé, ridiculisé par son suicide manqué, il oserait reparaître sur le théâtre de sa gloire !

Sauvresy lui ouvrait les bras. Sauvresy était un brave cœur l’aimant assez pour ne pas s’arrêter à la fausseté de sa situation, pour ne pas le juger un lâche de ce qu’il avait reculé, mais les autres !…

— Ne me reparle plus de Paris, ajouta-t-il d’un ton