Page:Gaboriau - Le Crime d’Orcival, 1867.djvu/232

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mille livres de rentes ? Nous lui dénicherons quelque propriété à notre porte, et, de cette façon, nous le verrons tous les jours, ainsi que sa femme. Ce sera pour nous une société très-agréable et précieuse pour nos soirées d’automne. Hector est en somme un brave et digne garçon, et Laurence, tu me l’as dit cent fois, est charmante.

Berthe ne répondait pas. Si terrible était ce coup si inattendu, qu’elle n’y voyait plus clair dans le désordre épouvantable de ses pensées.

— Tu ne dis rien, poursuivait Sauvresy, est-ce que tu n’approuves pas mon projet ? Je pensais que tu serais enchantée.

Elle comprit que si elle gardait plus longtemps le silence, son mari viendrait, il la verrait affaissée sur une chaise, il devinerait tout. Elle fit donc un effort, et d’une voix étranglée, sans attacher aucun sens aux mots qu’elle prononçait, elle répondit :

— Oui ! oui ! c’est une idée excellente.

— Comme tu dis cela ! fit Sauvresy ; verrais-tu des objections ?

Justement, elle en cherchait, des objections, et n’en apercevait pas de raisonnables qu’elle pût mettre en avant.

— Je tremble un peu pour l’avenir de Laurence, dit-elle enfin.

— Bah ! et pourquoi.

— Je ne parle que d’après toi. M. de Trémorel a été, m’as-tu dit, un libertin, un joueur, un prodigue…

— Raison de plus pour avoir confiance en lui. Ses folies passées garantissent sa sagesse future. Il a reçu une leçon qu’il n’oubliera jamais. D’ailleurs, il aimera sa femme.

— Qu’en sais-tu ?

— Dame ! il l’aime déjà.

— Qui te l’a dit ?

— Lui-même.

Et Sauvresy se mit à plaisanter la belle passion d’Hector qui tournait, assurait-il, à la bergerade.