Page:Gaboriau - Le Crime d’Orcival, 1867.djvu/25

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Le chemin de toile cirée qui reliait toutes les portes avait été arraché, et sur les dalles de marbre blanc, çà et là, on apercevait de larges gouttes de sang. Au pied de l’escalier était une tache plus grande que les autres, et sur la dernière marche une éclaboussure hideuse à voir.

Peu fait pour de tels spectacles, pour une mission comme celle qu’il avait à remplir, l’honnête M. Courtois se sentait défaillir. Par bonheur, il puisait dans le sentiment de son importance et de sa dignité une énergie bien éloignée de son caractère. Plus l’instruction préliminaire de cette affaire lui paraissait difficile, plus il tenait à bien la mener.

— Conduisez-nous à l’endroit où vous avez aperçu le corps, dit-il aux Bertaud.

Mais le père Plantat intervint.

— Il serait je crois plus sage, objecta-t-il, et plus logique de commencer par visiter la maison.

— Soit, oui, en effet, c’est ce que je pensais, dit le maire, s’accrochant au conseil du juge de paix, comme un homme qui se noie s’accroche à une planche.

Et il fit retirer tout le monde, à l’exception du brigadier et du valet de chambre destiné à servir de guide.

— Gendarmes, cria-t-il encore, aux hommes en faction devant la grille, veillez à ce que personne ne s’éloigne, empêchez d’entrer dans la maison, et que nul surtout ne pénètre dans le jardin.

On monta alors.

Tout le long de l’escalier les taches de sang se répétaient. Il y avait aussi du sang sur la rampe, et M. Courtois s’aperçut avec horreur qu’il s’y était rougi les mains.

Lorsqu’on fut arrivé au palier du premier étage :

— Dites-moi, mon ami, demanda le maire au valet de chambre, vos maîtres faisaient-ils chambre commune.

— Oui, monsieur, répondit le domestique.

— Et, où est leur chambre ?

— Là, monsieur.