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Page:Gaboriau - Le Crime d’Orcival, 1867.djvu/251

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timent assez cruel, assez terrible. Quel supplice pouvait faire expier les effroyables tortures qu’il endurait ?

Il se dit que pour mieux assurer sa vengeance il lui faudrait attendre, et il se jura qu’il attendrait. Il se jura qu’il saurait feindre une inaltérable sécurité, qu’il saurait se résigner à tout voir, à tout entendre.

— Ma perfidie, pensait-il, égalera la leur.

C’est qu’une duplicité savante était indispensable. Berthe était la finesse même et elle était femme, au premier soupçon que son mari se doutait de quelque chose, à fuir avec son amant. Hector, maintenant, ne possédait-il pas, grâce à lui, tout près de quatre cent mille francs ?

Cette idée qu’ils pourraient échapper à sa vengeance lui rendit avec son énergie toute la lucidité de son esprit.

Alors seulement il songea au temps écoulé, à la pluie qui tombait à torrents, à l’état de ses vêtements.

— Bast ! pensa-t-il, j’arrangerai une histoire selon ce qu’on me dira.

Il n’était guère qu’à une lieue de chez lui, mais il lui fallut, à lui, excellent marcheur, plus d’une heure et demie pour faire cette lieue. Il était brisé, anéanti, il se sentait glacé jusque dans la moelle des os.

Mais lorsqu’il rentra au Valfeuillu, il avait réussi à reprendre son visage habituel, sa gaieté qui exprimait si bien sa sécurité parfaite.

On l’avait attendu, mais il ne put prendre sur lui, en dépit de ses serments, de s’asseoir à table entre cet homme et cette femme, ses deux plus cruels ennemis. Il déclara qu’ayant pris froid il ne se sentait pas bien et allait se mettre au lit.

Vainement Berthe insista pour qu’il avalât au moins un bol de bouillon bien chaud avec un verre de bordeaux.

— Sérieusement, fit-il, je ne me sens pas bien.

Lorsque Sauvresy se fut retiré :

— Avez-vous remarqué, Hector ? demanda Berthe.