Page:Gaboriau - Le Crime d’Orcival, 1867.djvu/305

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

que la volonté implacable de leur victime enchaînait l’un à l’autre contre tous leurs instincts, ne se sont-ils pas séparés d’un commun accord le lendemain de leur mariage, le lendemain du jour où ils sont rentrés en possession du titre qui établissait leur crime ?

Le vieux juge de paix hocha la tête.

— Je vois bien, répondit-il, que je ne suis point arrivé à vous bien faire comprendre l’épouvantable caractère de Berthe. Hector eût accepté avec transport une séparation, sa femme ne pouvait pas y consentir. Ah ! Sauvresy la connaissait bien. Elle sentait sa vie perdue, d’horribles regrets la déchiraient, il lui fallait une victime, une créature à qui faire expier ses erreurs et ses crimes, à elle. Cette victime fut Hector. Acharnée à sa proie, elle ne l’eût lâchée pour rien au monde.

— Ah ! ma foi ! remarqua le docteur Gendron, votre Trémorel est aussi par trop pusillanime. Qu’avait-il tant à redouter, une fois le manuscrit de Sauvresy anéanti ?

— Qui vous dit qu’il l’ait été, interrompit le vieux juge de paix.

Sur cette réponse, M. Lecoq interrompit sa promenade de long en large dans la bibliothèque et vint s’asseoir en face du père Plantat.

— Les preuves ont-elles ou n’ont-elles pas été anéanties, fit-il, pour moi, pour l’instruction tout est là.

Le père Plantat ne jugea pas à propos de répondre directement.

— Savez-vous, demanda-t-il, qui était le dépositaire choisi par Sauvresy.

— Ah ! s’écria l’agent de la sûreté en se frappant le front comme s’il eût été illuminé par une idée soudaine, ce dépositaire, c’était vous, monsieur le juge de paix.

Et en lui-même il ajouta :

— Maintenant, mon bonhomme, je commence à comprendre d’où viennent tes informations.

— Oui, c’était moi, reprit le père Plantat. Le jour du mariage de Mme veuve Sauvresy et du comte Hector, me conformant aux dernières volontés de mon ami mou-